« Apprendre à couper le cordon« , combien de fois j’ai pu entendre cette phrase dans ma vie de maman! Qu’il s’agisse du jour où j’ai laissé chacun de mes enfants à la garderie ou lors du premier jour d’école (et du dernier aussi!), lors des premiers amours, des expérimentations d’adolescence, au bal de graduation ou le matin du grand départ de la maison pour poursuivre des études à l’extérieure, chaque fois je me retrouvais plongée au cœur d’un grand tourbillon émotif. Je ressentais alors comme une brûlure au ventre, un vide immense teinté à la fois d’un million d’inquiétudes, d’une nostalgie profonde mais aussi d’une joie profonde de les voir si heureux de grandir et d’explorer ainsi la vie…
Apprendre à couper le cordon….. Hum, pas si facile!
Quel tsunami d’émotions à gérer devant sa progéniture quand, dans une étape charnière, celle-ci cherche du regard un geste d’approbation, une main tendue ou un regard confiant pour faire un pas de plus dans sa quête d’autonomie. S’amorce alors pour moi un combat sans merci entre le cœur et le mental qui ne veut certainement pas céder sa place et s’active à coup de remontrance! « Non, non, non, ne pleure surtout pas! Tout va bien aller, c’est le cours normal de la vie. Cesse de t’inquiéter maintenant et arrête de stresser ainsi tu vas traumatiser ton enfant. Ressaisis-toi, dis-lui bravo, fais un beau sourire. Ouiiii, c’est ça! Non, non, non, ne lui rappelle pas qu’il n’y a pas si longtemps tu lui changeais les couches -surtout pas devant ses amis ou d’autres parents qui eux semblent si fort et si sereins! – » Mais comment ils font ces autres parents ? Ont-ils vraiment réussi à couper le cordon ou combattent-ils simplement avec plus de force et de vigueur ce monstre qui te bouffe les entrailles chaque fois qu’un de tes enfants fait un pas de plus, loin de la maison ? Et malgré tous ces efforts ahurissants, mon cœur finit inévitablement par libérer quelques larmes devant le regard attendrissant de mes petits anges devenus si grands!
Après plus de 20 ans dans le domaine « d’être maman de trois enfants », je dois avouer aujourd’hui, alors que mon bébé (de 15 ans!) réalise un grand rêve en prenant rien de moins – l’avion- pour se rendre dans les Rocheuses avec un groupe scolaire, que je suis encore tout chamboulée! Et oui, même mes nombreuses années d’expérience aux rayons des grands départs n’ont pu m’épargner les larmes et les inlassables voix dans ma tête » Ha mon Dieu, a-t-elle tout ce qu’il lui faut ? Est-ce qu’elle semble bien ? Et si l’avion tombait ? (Non Anick, supprime cette pensée et demeure positive) Tout va bien aller, coupe le cordon! C’est une expérience extraordinaire pour elle, un paradis à visiter, quelle chance elle a! Regarde-là, elle est radieuse et elle trépigne d’excitation à l’idée de partir en voyage avec ses amies … (oui, Anick t’es sur la bonne voie, continue de penser ainsi, youpi!) mais si elle tombait malade ? » Ah non, c’est reparti….
Puis, dans un éclair de génie ou frappée d’une révélation Divine, tout devint clair. Et s’il était tout simplement impossible de couper ce fameux cordon ? Et si, au mieux, nous apprenions non pas à le couper mais à le rallonger (parfois jusqu’à des milliers de km!) et à accepter qu’être maman c’est pour la vie. Qu’il n’y a pas de dates d’expiration ou de jour « j » où le cordon doit finalement se rompre. Et si nous acceptions d’être la mère que nous sommes, (oui, poule de temps à autre), inquiète et parfois nostalgique du temps qui passe mais aussi très fière de ses enfants, de leur autonomie, de leur goût de l’aventure et de leur capacité à quitter le nid sereinement. Fière de leur fougue, de leur passion et de leurs rêves d’explorer le monde et de se réaliser. Et si c’était ça au final être une mère accompagnatrice ?
Aujourd’hui, mon fils est dans une autre ville. L’une de mes filles est dans un avion et l’autre visite diverses universités. Ils volent chacun de leurs propres ailes, autonomes, fiers et libres. Aujourd’hui je vais bien car je n’ai pas cherché à couper le cordon. Je me suis regardée avec amour dans mes larmes de maman et j’ai compris que l’important n’est pas de ne pas pleurer ou de ne pas s’inquiéter mais plutôt d’avoir la sagesse et la capacité de tenir ce petit bout de cordon invisible – mais ho combien puissant – pour l’en imprégner d’amour, de confiance et de joie (avec ou sans larme) pour ensuite, sans retenue, l’allonger aussi loin que peuvent conduire les rêves de nos enfants…
ps: Et si jamais mes enfants étaient dotés d’un mini cordon « Que deviendra maman sans ses enfants » ne vous inquiétez surtout pas mes amours, nous serons toujours unis par un fil magique que je n’ai jamais pu couper! Et maman s’affaire déjà à nourrir d’amour le cordon « femme heureuse » et « couple amoureux »
Anick Lapratte,
Auteure, conférencière et co-fondatrice du RIME