La poésie guérit nos vies

La poésie guérit nos vies

Je suis profondément attristée par le sort que l’on réserve à la poésie, dont les livres sont fréquemment cachés dans le fond d’une librairie, sur une modeste étagère. On réduit trop souvent la poésie aux récitations scolaires de notre enfance. La poésie est généralement associée à l’inutilité. « Elle ne rapporte rien ». Au mieux, c’est un passe-temps ; au pire, c’est une perte de temps que de lire un poème. Je ne disserterai pas ici sur les qualités esthétiques de la poésie qui me semblent évidentes. En effet, l’une des fonctions de la poésie me paraît primordiale et c’est cette fonction que je veux évoquer dans ce billet.

La poésie possède un merveilleux pouvoir thérapeutique dans nos vies.

Je me souviens qu’enfant, je me précipitais à la bibliothèque pour emprunter des recueils poétiques qui me faisaient oublier l’odeur des feutres séchés, les cris de la cour de récréation, les formules sibyllines des leçons. En ouvrant, par exemple, un recueil des poésies de Lamartine, jauni par le temps qui l’avait oublié, là, entre deux romans à la mode, j’entrais dans le jardin de Milly. Et je n’étais plus seule, entourée de ces feuilles.

Incomprise par ma famille, j’ai entrepris de faire des fugues. Mais par peur et impuissance acquise, je faisais en sorte que celles-ci avortent toujours. J’ai alors trouvé un autre moyen de « me sauver ». Je partais sur l’immensité d’Oceano Nox de Victor Hugo. Ou la mère de Maurice Carême m’ouvrait la porte de sa maison et je me retrouvais attablée avec le poète, devant une tartine de miel blond.

Mon oncle m’avait offert une épaisse Anthologie de la poésie française. Je découvrais que, dans un poème, il n’y avait plus ni frontière ni interdiction. J’étais au rendez-vous de l’angélus de Francis Jammes ou des abeilles qui bourdonnaient dans les corolles du Cœur Innombrable d’Anna de Noailles. À mes propres yeux, je disparaissais, ce qui signifiait que je me sentais inatteignable. Plus personne ne pouvait me toucher du doigt ou par un propos acerbe.

La poésie sauve nos vies.

Beaucoup de prisonniers ont survécu grâce à la poésie. Certains – surtout s’ils se savaient condamnés – gravaient des vers dans les murs des cachots. Des déportés des camps de la mort ont trouvé en eux la force de résister grâce à des poèmes. Quelques-uns cousaient des vers à l’intérieur de leur chemise rayée. Oui, la poésie peut devenir manteau. Non seulement, ces vers leur tenaient chaud, mais aussi ils ranimaient leur souffle par le contact des mots avec leur peau. Les soirs, des femmes récitaient des poèmes pour entrapercevoir l’aurore de leur libération.

En effet, tant que l’on est à l’intérieur d’un poème, c’est-à-dire tant qu’on le dit ou qu’on l’écrit, rien ne peut nous arriver. Au moment où l’on se balance sur un vers, aucun ennemi ne peut surgir, aucun instant ne peut bouleverser notre existence – même si celle-ci est déjà abîmée. On est bien à l’abri, dans le refuge de la beauté. La poésie nous protège, parce qu’elle nous ancre/encre dans l’ici et maintenant.

La poésie nous emmène vers nous-mêmes.

C’est en marchant que le jeune poète Arthur Rimbaud a composé les poèmes de ses Cahiers de Douai.
De même, par une froide et noire nuit d’hiver où je devais traverser la ville, seule, j’ai récité pour moi-même les vers de son poème Sensation :

Par les soirs bleus d’été, j’irai dans les sentiers,
Picoté par les blés, fouler l’herbe menue :
Rêveur, j’en sentirai la fraîcheur à mes pieds.
Je laisserai le vent baigner ma tête nue.

Je ne parlerai pas, je ne penserai rien :
Mais l’amour infini me montera dans l’âme.
Et j’irai loin, bien loin, comme un bohémien,
Par la Nature – heureux comme avec une femme.

Ce poème m’a rassurée durant mon trajet glacial. C’était comme si je marchais avec un ami intime, bien connu de mon âme. Au-delà de l’hiver, luisait en moi, telle une étoile, la certitude du prochain été.

Par son rythme qui se mesure en nombre de pieds, la poésie est indissociablement liée à la marche.

Et si l’on est contraint à l’immobilité, prisonnier comme je l’ai écrit plus haut, ou alité et malade ?

La poésie, par son bercement, nous permet – quelles que soient les circonstances – d’aller de l’avant.

C’est ainsi que, solitaire et enfermée dans ma chambre d’adolescente, j’ai recopié de nombreux poèmes dans un cahier bleu. Je me laissais porter par le crissement de la plume sur le papier et par l’encre qui brillait avant de sécher. Les mots coulaient de source. J’étais à la fois le voilier et l’océan. En recopiant les poèmes que j’aimais, je me projetais dans le rêve d’écrire les miens.

Où que nous soyons, la poésie nous emmène vers nous-mêmes.

La poésie est prière exaucée.

En ayant « recours au poème » – pour reprendre le titre d’une revue de poésie en ligne -, j’ai pu expérimenter le caractère incantatoire du vers. Le poème répété devient mantra. Mais la particularité de cette prière est qu’elle est exaucée à l’instant même où on la formule. Combien de fois ai-je ressenti l’apaisement demandé en reprenant – même silencieusement – un vers de Verlaine ou de Baudelaire ? Je pense que le Divin est à notre écoute dans un poème. Il attend simplement que l’on fasse de la poésie – comme de toute autre forme d’art – acte de foi. Et cet acte passe par la parole.

Je vous livre ici quelques extraits de poèmes à « utiliser sans modération » lors de situations difficiles.

  • Pendant une longue attente dans le cabinet d’un médecin :

Sois sage, ô ma Douleur, et tiens-toi plus tranquille.
Tu réclamais le Soir ; il descend ; le voici.

Extrait du poème Recueillement de Charles Baudelaire

  • Pour espérer – toujours et encore :

La nuit n’est jamais complète.
Il y a toujours puisque je le dis,
Puisque je l’affirme,
Au bout du chagrin,
Une fenêtre ouverte,
Une fenêtre éclairée.

Extrait du recueil Derniers Poèmes d’amour de Paul Éluard

  • Pour rendre grâce aux lieux perdus :

Revenir sur mes pas, refaire doucement
– et cette fois, seul – tel voyage,
rester à la fontaine davantage,
toucher cet arbre, caresser ce banc…

Extrait du poème Nostalgie des lieux de Rainer Maria Rilke

  • Pour apprendre à lâcher prise :

Les nœuds ont éclaté. Les roses envolées
Dans le vent, à la mer s’en sont toutes allées.
Elles ont suivi l’eau pour ne plus revenir.

Extrait du poème Les Roses de Saadi de Marceline Desbordes-Valmore

  • Pour attirer l’abondance :

Voici des fruits, des fleurs, des feuilles et des branches
Et puis voici mon cœur qui ne bat que pour vous.
Ne le déchirez pas avec vos deux mains blanches
Et qu’à vos yeux si beaux l’humble présent soit doux.

Extrait du poème Green de Paul Verlaine

Que la Poésie soit votre amie pour la Vie.
Au nom de la Vie, dédiez à chaque jour
un poème.

Bibliographie :

Anthologie de la poésie française de Georges Pompidou, édition Calmann-Lévy
Soyez poète de votre vie, Jacques de Coulon, Petite Bibliothèque Payot
Revue de Poésie et de Mondes poétiques
https://www.recoursaupoeme.fr/

Géraldine Andrée Muller
Écrivain privé-biographe familiale-écritothérapeute

Pour vous familiariser avec mon travail et ma démarche, rendez-vous sur mon site d’écriture biographique et thérapeutique : L’Encre au fil des jours

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Publié dans Écriture thérapeutique, Reconstruction émotionnelle, Résilience, Santé & bien-être le

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À propos de l'auteur

Géraldine Andrée Muller

J'écris depuis l'enfance. Très tôt, j'ai découvert le pouvoir des mots qui peuvent soigner, guérir, être un baume pour l'âme. Je vous propose mon aide pour l'écriture de votre vie. Grâce à mon expérience en créativité, en écriture et en psychologie, je vous prête ma plume pour que vous soyez...

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