Aimer ou être attaché… là est la question

Aimer ou être attaché… là est la question

« J’ai eu peur de tomber amoureux et de m’attacher ». C’est une phrase que j’ai entendue lors d’une consultation il y a quelques semaines. Et cette phrase est remontée dans mon esprit, par rapport à une situation familiale particulière.

Je me suis alors posé la question suivante : quelle est la différence entre aimer et être attaché à ? Est-ce qu’il peut y avoir amour sans attachement, et est-ce qu’il peut y avoir attachement sans amour ?

Alors tout ce que je vais écrire maintenant provient de mes réflexions, et de mon expérience personnelle ou professionnelle. Je ne veux absolument par faire passer cela comme étant une vérité – au contraire, tout est énoncé sous- entendu avec un point d’interrogation. Car chacun a sa propre définition de ce qu’est l’amour, et l’attachement.

Il y a des personnes qui tombent amoureuses, mais qui ne veulent pas d’attache. Ils virevoltent d’une fleur à l’autre comme une abeille qui butine. Ce qui est le plus important pour eux, c’est de garder leur liberté et leur indépendance, et par ailleurs de satisfaire leurs besoins, leurs envies. Mais en fait, est-ce qu’ils aiment vraiment ?

En fait, la plupart du temps, s’ils ne veulent pas s’attacher, s’ils ne veulent pas être attachés à telle ou telle personne, c’est surtout parce qu’ils ne veulent pas qu’on leur dise ou qu’on les incite à faire quelque chose dont ils n’auraient pas envie. Ils ne veulent pas qu’on les amène à se conformer à une certaine attitude, ou s’exposer à un certain jugement, à certaines critiques, ou à prendre certaines positions pour l’autre, qui les mettraient en porte à faux avec eux-mêmes, ou à devoir faire des compromis. Ils ne veulent pas être dans une situation d’attente d’approbation de l’autre. Ce qui pourrait paraitre légitime. Sauf que, quand il y a une peur de s’attacher, il y a davantage sous-entendu une sorte d’opposition, de résistance par rapport à tout ce que je viens de citer, un « surtout pas ça ! », un rejet de l’approbation de l’autre, un rejet de responsabilité dans la relation, qui conduit souvent à un manque de communication sur les sujets profonds… Et il est alors plus difficile d’avoir une relation d’amour véritable…

Il y a d’autres personnes au contraire, qui ont besoin d’être liées, qui ont besoin d’être attachées, de s’attacher… ou de ressentir qu’on soit attaché à eux. Ça les rassure, ça les sécurise, ça remplit leurs manques, ça les valorise peut-être aussi quelque part… et tout cela a plus d’importance pour eux que la liberté.

Dans l’attachement, il y a une notion d’engagement, de stabilité, de responsabilité, par rapport à la relation. Mais quand on est attaché, ou qu’on s’attache à quelqu’un, là encore, est-ce qu’on aime vraiment ?

Dans les deux cas, la réaction est souvent influencée par des événements antérieurs qui nous ont fait souffrir, la plupart du temps dans notre enfance, et la plupart du temps dans notre relation avec nos parents, et notre éducation.

Ainsi, dans notre image du couple idéal, qui nous vient évidemment de notre éducation, de l’exemple que nous ont donné nos parents, et des générations précédentes, on a l’impression que les deux doivent être inclus dans la relation.

Les notions d’attachement ou d’amour ne concernent évidemment pas que les relations de couple. On peut s’intéresser par exemple à ce qui se passe dans les relations parents/enfants, ou entre frères et sœurs.

Si on prend l’exemple d’une relation parent /enfant, de façon instinctive et naturelle, l’attachement apparaît dès la naissance, car il y a une notion de responsabilité envers l’enfant. L’amour vient en même temps, ou tout de suite après… en général…

Et parfois en grandissant, seul l’attachement reste, d’un côté ou de l’autre, et les relations deviennent un peu plus compliquées. Il n’est pas rare de voir des personnes couper les liens avec leurs parents, enfants, frères et sœurs… ou de les garder, malgré tout, tout en les détestant.

Car en fait, même lorsqu’on est de la même famille, on ne peut évidemment jamais forcer qui que ce soit, à aimer qui que ce soit. La seule chose sur laquelle on peut éventuellement intervenir, c’est justement l’attachement. Et quand c’est la seule chose qui reste, c’est ressenti comme une obligation, et non comme de l’amour.

Je me souviens par exemple de la relation entre ma maman et mon grand-père – une relation clairement toxique. Mais malgré tout, ma maman n’a jamais réussi à se détacher de son père, de l’emprise de cette relation… et ça l’a détruite…

L’attachement est d’ailleurs souvent la dernière chose qu’on arrive à rompre – que ce soit dans une relation amicale qui ne nous convient plus, dans une relation amoureuse terminée, que ce soit l’attachement que l’on peut avoir par rapport à notre passé, par rapport à un endroit particulier que l’on doit quitter, etc…

Chaque fois qu’il y a un attachement, il y a quelque chose qui nous lie, qui nous engage, qui contient des attentes. Et lorsque cela concerne quelque chose qui n’existe plus, qui n’a plus lieu d’être, cela devient pesant, et nous prive de notre liberté.

Dans l’attachement, il y a la notion que « je dois faire quelque chose pour le bien-être de quelqu’un d’autre, dans l’intérêt de quelqu’un d’autre », et vice versa (j’attends de l’autre qu’il fasse certaines choses pour mon bien-être, ou pour mon intérêt).

Lorsqu’il n’y a que l’attachement, ou qu’il ne reste que l’attachement, il y a une emprise importante, qui prend le pas sur l’amour. Essentiellement l’emprise de devoir obtenir l’approbation de l’autre, ou de devoir la lui donner. C’est cette sensation qui nous donne l’impression d’être privé de notre liberté. On se sent emprisonné. Et encore une fois, peu importe la relation dont il s’agit – il va s’agir, de plus en plus, de faire des concessions, de répondre aux besoins de l’autre, de se conformer à l’opinion de l’autre. Et petit à petit, on prend le risque de s’éteindre… et de renoncer à soi… car dès lors, on se trouve dans une relation de dépendance.

Alors effectivement, l’attachement n’est pas sain dans certains cas – surtout quand il est tout seul, sans amour… et donc il peut faire peur.

Aimer, c’est en fait inclure l’autre personne à l’intérieur de soi, c’est être en unité avec cette autre personne. Ce qui conduit de façon naturelle à s’engager vis-à-vis d’elle, à vouloir son bien-être, à faire attention à elle, et à lui donner (comme si on donnait à soi-même, puisqu’étant une partie de soi). Il n’y a alors plus besoin de la notion d’attachement, qui est inclue dans l’amour… Cette notion d’attachement n’apparait en fait que lorsqu’il n’y a pas, ou plus d’amour.

Lorsqu’on parvient à distinguer ces deux notions dans une relation, les choses deviennent instantanément plus claires, et seulement alors on peut être en mesure de réévaluer la relation, et d’intervenir de façon objective, sur elle, ou sur l’un des protagonistes…

Dans l’attachement, il y a l’image de deux personnes liées l’une à l’autre, et donc sous-entendu, il y a séparation. Dans l’amour, il y a union, les deux personnes ne faisant plus qu’un.

Estelle Morioussef – Thérapeute en développement personnel

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